Burkina Faso, 2014

 » Le village s’appelait Sara , et se trouvait à 70 km de Bobo-Dioulasso en direction de Dédougou, ville moyenne proche des frontières de la Côte d’Ivoire et du Ghana. Sara compte à peu près 5000 habitants, majoritairement des Bwabas, une ethnie assez réduite venue il y a longtemps du Mali et parlant le Bwamou. Doumboué est le nom de famille Bwaba le plus répandu. Le village est réparti du chaque côté du goudron menant à Dédougou : à gauche les bâtiments publics, le dispensaire, la bibliothèque, le château d’eau (hors service depuis un an), la gendarmerie, mais aussi un garage, des boutiques et quelques habitations, et à gauche les maisons, en paille et en brique de terre cuite. Ce côté est lui-même découpé en plusieurs quartiers ; celui des Mossé, à l’entrée du village, celui des Bwabas, le plus grand, et enfin celui des Peuls qui, plus loin, gardent les bœufs. Pas d’eau courante, ni d’électricité. On y tire l’eau du puits et on génère du courant avec quelques panneaux solaires. »

La famille qui nous accueillit fut celle de Faustin, l’un des frères de Blaise Doumboué, le directeur de l’école. Dans une petite pièce sans fenêtre, on nous avait disposé des matelas au sol. Des chèvres et des poules gambadaient dans la cour. Sitôt arrivés au village, Blaise nous emmena voir Iréné. »

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Berceau de la révolution Sankariste (de Thomas Sankara, militaire et homme politique, souvent considéré comme une sorte de « Che Guevara » africain), le Burkina Faso en était à un moment difficile de son histoire : après des décennie de pouvoir le président actuel, Blaise Compaoré, semblait de plus en plus contesté. Les quelques évènements suivants suffisent à s’en persuader :

En février et mars 2008, des émeutes, qui s’intègrent au sein du phénomène, alors mondial, des « émeutes de la faim », secouent le pays. Le 21 novembre 2010, Blaise Compaoré (ancien frère d’arme et de cœur de Thomas Sankara, avec qui il s’est lié lors d’un stage militaire au Maroc, et qui lui a fait intégrer la cellule révolutionnaire de Pô. C’est sans doute Blaise qui a fait assassiner Sankara, avec l’appui de la France, d’Houphouët-Boigny et de Charles Taylor) est réélu pour un quatrième mandat, avec 80 % des suffrages -certains parlent de fraude ; ce qui est certain c’est que l’abstention est massive. En février 2011, un collégien de Koudougou meurt dans un commissariat des suites de violence policière. Les émeutes, en marge du Printemps Arabe qui a lieu au même moment, se propagent et sont violemment réprimées par le pouvoir. Les 22 et 23 mars 2011, un groupe militaire prend les armes, à Ouagadougou, pour libérer cinq des leurs emprisonnés pour avoir violenté des civils ; des mutineries se déclarent dans tout le Burkina, jusque dans la garde présidentielle (en avril). Pour apaiser les tensions, Compaoré nomme un nouveau premier ministre, Luc-Adolphe Tiao.

Depuis, la situation sociale et politique du pays paraissait stable mais le peuple burkinabè s’inquiétait, au moment de notre séjour, de ce qui allait advenir en décembre 2015, date des prochaines élections : Blaise allait-t-il rester (ce qui l’obligerait à modifier la Constitution et l’exposerait à la colère d’une partie de la population) ? Allait-t-il partir (et au bénéfice de quelle opposition) ?

Une fois sur place, l’opportunité d’animer des ateliers artistiques dans une petite localité du Sud du pays se présenta. Une association franco-burkinabè, dénommée Solidarité Africaine Rencontre Africaine (SARA), en effet, nous avait invités à venir travailler en leur sein pour quelques temps.

Le village s’appelait Sara , et se trouvait à 70 km de Bobo-Dioulasso en direction de Dédougou, ville moyenne proche des frontières de la Côte d’Ivoire et du Ghana. Sara compte à peu près 5000 habitants, majoritairement des Bwabas, une ethnie assez réduite venue il y a longtemps du Mali et parlant le Bwamou. Doumboué est le nom de famille Bwaba le plus répandu. Le village est réparti du chaque côté du goudron menant à Dédougou : à gauche les bâtiments publics, le dispensaire, la bibliothèque, le château d’eau (hors service depuis un an), la gendarmerie, mais aussi un garage, des boutiques et quelques habitations, et à gauche les maisons, en paille et en brique de terre cuite. Ce côté est lui-même découpé en plusieurs quartiers ; celui des Mossé, à l’entrée du village, celui des Bwabas, le plus grand, et enfin celui des Peuls qui, plus loin, gardent les bœufs. Pas d’eau courante, ni d’électricité. On y tire l’eau du puits et on génère du courant avec quelques panneaux solaires.

La famille qui nous accueillit fut celle de Faustin, l’un des frères de Blaise Doumboué, le directeur de l’école. Dans une petite pièce sans fenêtre, on nous avait disposé des matelas au sol. Des chèvres et des poules gambadaient dans la cour. Sitôt arrivés au village, Blaise nous emmena voir Iréné.

Celui-ci est le premier habitant du village (avec une cousine à lui) à avoir eu son baccalauréat, et c’est lui qui est le fondateur de l’association dont faisaient partie des français rencontrés à l’aéroport, qui ne sont en fin de compte restés qu’une seule journée au village. Parti de Sara avec son diplôme, Iréné était d’abord parti à Bobo puis Ouaga, avant de décrocher une bourse pour étudier en France, à Montpellier, où il est arrivé en 1982 et où il est demeuré. En 1992, à l’occasion de son retour triomphal au village, l’association S.A.R.A fut créée avec des amis français, destinée à apporter une aide structurelle et financière à quelques projets. L’école dans laquelle nous allons travailler n’a pas été financée par l’association (c’est la municipalité qui a donné les fonds), mais elle porte le nom du bienfaiteur de Sara, en remerciement des services rendus : Iréné Karfazo Doumboué.

Nous sommes restés deux semaines à Sara, donnant des cours aux élèves de la petite école primaire. Puis, il nous a hélas fallu rentrer en France, après un dernier détour par Ouagadougou.

« Les cours que nous donnons à l’INAFAC se déroulent bien. Seidou nous laisse accaparer la dernière heure de son cours de dessin, et Sumahilah et Boniface, tous les deux danseurs au Ballet National du Burkina Faso, nous ont accordé la première partie de leur cours de danses, qui compte six élèves. L’après-midi nous participons, moi en tant que professeur et Justine en tant qu’élève, aux cours de guitare donnés aux adultes par notre ami Romuald (de son vrai nom : Timothée, et dont le deuxième prénom est Athème, un prénom que même les gens d’ici trouvent bizarre). Cela dit, il y a peu d’élèves à « l’après-midi des adultes » -une poignée, et que des quasi-adolescents ; aucun travailleur adulte, contrairement aux espérances de l’INAFAC. Pour ce qui est des locaux, ils témoignent effectivement des maigres moyens que l’État burkinabè est prêt à concéder à cette institution. Les bâtiments sont délabrés. Dans la cour, un bus et une voiture, tous deux sans moteur, agonisent dans la boue séchée et les détritus. Le matériel est vétuste, les toilettes presque inutilisables. Mais l’ambiance est bonne, exception faite de quelques vieux barbons ; jeunes et moins jeunes, dessinateurs, danseurs ou musiciens, communient ici dans une même vitalité, comme une bande de copains. En arrivant, vers neuf heures, et à la pause de dix heures, on se retrouve au « kiosque » (un autre mot pour les pause-café, les cafés-buvettes) Freedom Fighters, tenu par un ancien bassiste que les musiciens de passage appellent tous Koro, grand frère. Là, sur des chaises en plastique, on déguste un Nescafé, on rigole, on se salue dans des interminables check (paume-paume-poing-poing-claquement de doigts, et autres). Sumahilah, grand danseur zézayant et enfantin, nous raccompagne ensuite vers la salle de danse, puis disparaît. Nous faisons alors le cours sous le regard curieux de Boniface, un jeune type réservé, dont le beau visage est encadré par des dreadlocks. Les jeunes filles du cours sont silencieuses et attentives. Après quoi, en dessin, nous aidons les uns et les autres, qui à faire son personnage, qui à la colorier. Tout le monde s’amuse bien. On n’a pas d’argent, mais on a la volonté, entend-on souvent ici, -encore que cette bonne volonté soit souvent contrecarrée par le manque de moyen, et par une administration tatillonne-; je veux bien le croire. À l’heure où j’écris, la nuit s’approche déjà ; le bouc de la cour s’échappe, et passe en bêlant au milieu des jeunes venus jouer au foot (de « futurs délinquants », selon le jugement sévère de Romuald à propos de ces enfants, souvent complètement délaissés par leurs parents) tandis que le directeur s’en va au volant de sa vieille guimbarde. Encore une belle journée passée au milieu de la fine fleur de la vie culturelle, foisonnante bien que fauchée, du Burkina. »

(1) M’appel Mohamed Ali, Étienne Minoungou et Dieudonné Niangouna : http://www.avignonleoff.com/programme/2014/par-titre/m/m-appel-mohamed-ali-12285/

(2) Diffusée en France sous le titre : Marc et Malika. Des épisodes sont visibles sur Youtube. Alain joue Marc

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